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Le « modèle sénégalais » à l’épreuve de l’élection présidentielle

Quand l’horizon sénégalais s’est éclairci, le 6 mars, après cinq semaines de tourmente, un ancien ministre y a vu une nouvelle manifestation de la « main invisible ». « Je vous avais dit qu’elle nous sortirait de l’ornière », a-t-il glissé, soulagé, en faisant allusion à l’intervention des juges, quelques instants après la décision du Conseil constitutionnel. Ce soir-là, les sept juges ont imposé au président sénégalais, Macky Sall, la tenue d’une élection avant la fin de son mandat, le 2 avril. Un arrêt qui semble avoir refermé l’une des séquences les plus déstabilisantes de l’histoire du pays, ouvrant la voie à l’élection présidentielle du dimanche 24 mars.
L’Etat de droit a ainsi résisté, une fois de plus, au Sénégal. Car si, depuis 1963, les scrutins présidentiels ont toujours eu lieu à la date prévue, le pays a plusieurs fois tremblé à l’approche d’élections majeures.
Le 3 février, à dix heures de l’ouverture de la campagne, celle-ci avait brutalement déraillé lorsque le président Sall avait annoncé le report sine die du scrutin présidentiel prévu le 25 février, au prétexte de « dysfonctionnements » au sein du Conseil constitutionnel. La haute juridiction est accusée de corruption par Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade, éliminé de la course pour cause de binationalité. Mais certains ont vu dans la suspension du vote une ultime ruse de l’entourage du président sortant pour se maintenir au pouvoir, alors que son candidat, Amadou Ba, semble en mauvaise posture et que monte la menace de l’opposant Ousmane Sonko.
Certes, l’ancien inspecteur des impôts n’a pas été autorisé à se présenter en raison d’une condamnation pour diffamation contre un ministre. Son parti, les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), a été interdit. Incarcéré pour « appel à l’insurrection » et interdit de présidentielle, M. Sonko a investi son compagnon Bassirou Diomaye Faye, lui aussi incarcéré, pour le remplacer, dénonçant toutes ces affaires judiciaires comme des complots destinés à l’écarter de l’élection.
Pour les tenants du chef de l’Etat sortant – héritier du système politique incarné depuis l’indépendance par Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf puis Abdoulaye Wade –, Ousmane Sonko représente un danger, lui qui se veut le « candidat du changement de système » et dénonce l’emprise exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française. Macky Sall voit dans le Pastef, formation souverainiste et « panafricaniste de gauche », un « ennemi de la République » et un allié de « groupes terroristes ».
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