Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

« Nome » : sur les traces fabuleuses d’un projet révolutionnaire de cinéma, en Guinée-Bissau

L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER
La perle rare de la semaine s’intitule Nome, troisième long-métrage du réalisateur bissau-guinéen Sana Na N’Hada, né en 1950, que la section parallèle de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion, à Cannes, a eu l’heureuse idée de sélectionner en 2023. Cette fiction autobiographique ne fait pas que retracer la guerre menée contre l’occupant portugais, de 1963 à 1974, avant la « révolution des œillets » de 1974 au Portugal et la déclaration d’indépendance de la Guinée-Bissau, petit pays d’Afrique de l’Ouest. Sa texture fantastique s’enrichit d’archives de la guérilla, muettes, parasitées, filmées par le réalisateur à l’époque, dans le but de documenter la lutte.
Sana Na N’Hada avait 17 ans, en 1967, lorsqu’il partit étudier le cinéma à Cuba, avec d’autres jeunes gens qui se feront un nom – Flora Gomes, Josefina Lopes Crato, José Bolama –, à l’initiative du leader respecté Amilcar Cabral (1924-1973), fondateur du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert, alors soutenu par l’Union soviétique. Les filmeurs ont tenu la caméra pendant trois ans, ont dû ensuite patienter avant de découvrir leurs rushs, ou plutôt ce qu’il en restait, du fait des intempéries et de la négligence des autorités. Le trésor de Nome n’en apparaît que plus précieux, qui nous entraîne sur les traces fabuleuses d’un projet révolutionnaire de cinéma.
Nous sommes en 1969, et des échos de la guerre d’indépendance parviennent jusqu’au petit village où vit Nome (Marcelino Antonio Ingira), jeune homme indolent que sa mère (Marta Dabo) qualifie de bon à rien. Les habitants ont faim, même s’ils entretiennent leurs rizières et vivent de la pêche dans les eaux regorgeant de poissons. Une courte scène, splendide, nous fait découvrir la complicité amoureuse qui lie Nome et sa cousine, Nambu (Binete Undonque), tandis que celle-ci remplit son filet.
Mais le ventre bientôt arrondi de Nambu plonge Nome dans la perplexité. Ne supportant pas l’idée d’être banni pour l’avoir mise enceinte, il part sans dire un mot et s’engage dans le maquis. Nambu affronte une tragédie tandis que Nome accomplit ses faits d’armes. Mais l’homme taiseux qui revient du front n’est pas un héros. Nome veut sa part du gâteau, devient un affairiste… Qu’est-ce qui a cloché ?, s’interroge en creux le cinéaste – auteur également de Xime (1994), chronique d’un village bissau-guinéen –, alors que son pays, depuis 1974, a connu quatre putschs, plusieurs tentatives de coup d’Etat…
Il vous reste 41.56% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish